Réflexions sur les excuses du Pape Francois
Robert Foliot, SJ 12 juillet 2022 (traduction)
Le Pape François se prépare à venir ici afin de présenter des excuses au peuple autochtone du Canada en notre nom. Soulignons que c’est en notre nom. Comment vous préparez-vous pour cette visite? Lorsqu’il viendra, serez-vous un bon observateur, écoutant chacun de ses mots, de ses actions, disant « c’était bien, mais j’aurais aimé qu’il dise ceci ou qu’il parle de cette façon ou qu’il fasse d’autres choses ». Vous voyez-vous comme un critique? Si c’est le cas, ce ne sera pas tout à fait suffisant. Ce ne sera que plus de mots et les mots seront vides de sens à moins que chacun d’entre nous s’excuse avec lui.
« Pourquoi devrais-je m’excuser ? » je n’étais même pas né à l’époque de la colonisation et on ne m’a rien appris à l’école sur les pensionnats autochtones. Ou « je n’étais pas encore arrivé au Canada lorsque ça s’est passé, pourquoi devrais-je m’excuser? »
Je devrais m’excuser parce que vous et moi et tout le monde vivant dans ce qu’on appelle maintenant le Canada avons tiré profit de biens volés, de propriétés volées. Vous et moi sommes tous complices. Nos ancêtres sont venus ici comme des invités. Nous avons pris possession de la terre de nos hôtes, et nous avons également choisi de leur enlever leurs enfants, leur langue, leur culture et leur spiritualité. Nous avons délibérément essayé d’effacer leur identité en tentant de les assimiler, parce que nous nous sentions supérieurs et tellement plus civilisés. Si chacun de nous ne s’excuse pas, nous abandonnons le Pape François. Le peuple autochtone dira « plus de mots mais pas d’action, un show boucane. L’Église nous a déçu et nous blesse encore ».
Mais comment je m’excuse? Je m’excuse en ouvrant mon cœur et mon esprit à l’écoute de la vérité. Les médias nous avertissent souvent, « attention ce que vous allez entendre et voir pourrait choquer et offenser. Si vous pensez en avoir besoin, vous pouvez rejoindre cette ligne téléphonique 24 heures par jour pour obtenir de l’aide ». Je dois avoir suffisamment de courage pour écouter vraiment les faits crus, afin de me permettre d’être touché et de crier mon incrédulité : « On est au Canada, comment avons-nous pu faire ça? Pourquoi n’ai-je jamais appris ça à l’école, ou lorsque je me préparais à prêter mon serment pour devenir un citoyen canadien? ». S’excuser c’est me permettre d’être tellement choqué et scandalisé que je suis prêt à changer, même personnellement.
Je m’excuse en changeant d’attitude. Soyons honnête. Ai-je déjà utilisé le mot « alcoolique » dans mes pensées, est-ce que j’ai déjà pensé ou dit que c’était un autre indien alcoolique? Ou « ils ne sont que des voleurs » ou « ils sont des perdants, des consommateurs de drogues qui se couchent dans nos rues, ou un groupe de protestateurs en colère qui bloquent nos autoroutes ». « Pourquoi n’arrêtent-ils pas de se plaindre et continuer à vivre? ». Avec de telles idées et des attitudes comme ça, est-ce que réellement je n’ai pas d’excuses à présenter? Maintenant, c’est le temps pour moi de changer mon attitude.
J’ai besoin de m’excuser. Oui, j’ai besoin de m’excuser parce que j’ai ignoré le cadeau que les peuples autochtones m’ont offert à moi et au monde. Ils m’ont appris à respecter la création, à remercier le Créateur pour tout, pour chaque animal, oiseau, poisson, plante et arbre. Ils m’ont appris à utiliser ces créatures seulement dans la limite de mes besoins. Ils m’ont appris à partager, à chérir les liens familiaux, à respecter la mort et être résilient. Ils m’ont montré à rire même lors des moments tragiques. Et je n’ai pas fait attention. Je n’ai pas reçu les cadeaux que les peuples autochtones m’offraient. Puis-je vraiment dire que je n’ai pas de raison de m’excuser?
J’ai besoin de m’excuser parce que je ne me suis pas soucié du fait que les peuples autochtones ont souffert d’une telle inégalité? Le manque d’opportunités éducatives, le manque de logement convenable, et même le manque d’eau potable. Ils ont fait l’objet de racisme systémique et de discrimination dans toutes sortes de circonstances. J’en ai entendu parler mais je m’en suis lavé les mains en disant : « Mais qu’est-ce que je peux faire? » Je dois m’excuser d’avoir abandonné.
J’ai besoin de m’excuser parce que quelques fois, je perds patience lorsque j’entends parler des pensionnats autochtones. Je dis « ça s’est passé il y a si longtemps ». Je ne me soucie pas vraiment de la perte de leur langue, traditions et spiritualité. Pourquoi ne deviennent-ils pas comme nous? Pourquoi ne vivent-ils pas comme nous? ».
Oui, j’ai besoin de m’excuser pour mes attitudes négatives et mon apathie. Je ne veux pas laisser le Pape s’excuser tout seul. Même si je n’ai pas un micro et je ne suis pas sur l’estrade, j’ai besoin et je veux m’excuser avec lui et compléter ses actions après son retour à Rome. Si tous nous faisons cela, le Pape nous aura aidés, de même que le monde, à faire un pas de géant vers la réconciliation.